Le temps à terre

Publié le par Toma

 

Ah ça y est, je la tiens ma revanche. Il m'aura pas fallu longtemps pour te faire payer. Wouah, jouissif d'assouvir son côté rancunier. Tu t'étais barré comme un voleur, tu m'avais planté là, comme un con. J'avais rien compris que tout était fini. T'avais joué les filles de l'air. Hop, ni vu ni connu, je t'embrouille, tu faisais le cador, je t'en voulais bien fort. Mais je voyais pas comment te rendre ta monnaie. Et là, depuis dix jours, qu'est ce que t'as pris. Une raclée, une branlée, ta gueule au tapis.

Round un, les Chinchoros et leurs momies. Cette peuplade de pêcheurs perdue dans le nord du Chili. Accrochée à un bout de désert, un coin pourri de chaleur, d'aridité, de sel. La lutte quotidienne pour la survie. On sait pas bien d'où ils sont sortis. Peut être de ces nomades qui ont traversé il y a longtemps le détroit gelé très au nord d'ici. Et puis, ils se sont posés du côté d'Arica, sur cette côte où l'eau vaut de l'or. Sans doute des têtus parce que vivre là, fallait le vouloir. Des générations à se suivre, à s'adapter, s'enraciner. Avec une idée force, le culte de leurs trépassés. Il en ont développé un art de la conservation, une science de la momification. Le défunt était démembré, éviscéré, pelé, écervelé. Puis rembourré, ré-assemblé, un véritable mécano, rhabillé, badigeonné d'une pâte noire manganèse. Un masque pour dernière figure, une perruque pour coiffure. Un travail minutieux, technique, d'une complexité défiant la rusticité de cette civilisation. On est là 5000 ans avant Jésus Christ. 7000 ans plus tard, ces momies sont intactes, plus de 300 ont été retrouvées. Des femmes, des hommes, des enfants. Parfaitement conservées dans leur sommeil d'éternité. T'as beau couler, elles n'ont pas bougé. Joli pied de nez de ces hommes du passé. Je les ai regardées. Longtemps. Fasciné. Que restera-t'il de nous dans 7000 ans, en 9000 après JC?

Round deux, j'ai juste eu à lever les yeux. Dans la nuit. Et regarder aussi un peu dans une lunette. Jupiter rayé café, maqué avec Io, Europa et ses deux autres satellites dont je n'ai pas retenu les petits noms. La Croix du Sud, constellation du Scorpion, ceinture d'Orion, Via Lacta... L'amas globuleux de la Mariposa et celui nébuleux de la Tarentula. Quand la science flirte avec la licence. Poétique. Dans cet univers, plus de temps, seule compte la distance. Le ciel de ce soir est vieux de dizaines de milliers d'années. Le temps que met la lumière à nous arriver. Un cliché très très retardé. Tu deviens relatif, l'absolu c'est la célérité. Jusqu'à l'idée même de simultanéité qui devient farfelue. C'est un peu compliqué mais vive la relativité.

Round trois, les géants de pierre pour t'achever. L'ile de Pâques, cette ile qui mêle le mythique au mystique. Un confetti volcanique accroché en pleine mer, hérissé de cônes érodés. Histoire chaotique, encore peu déchiffrée. Une ou deux peuplades, parties du côté de la Polynésie, s'incrustent sur ce caillou pour échapper à la fin du monde. Un système féodal archaïque met en place des tribus à deux classes. L'élite asservit le peuple qui se tue à la tâche. Les ressources limitées sont propices aux combats. Quand le chef meurt, on lui érige son Moaï, gardien de sa tombe, source de son Mana. Son pouvoir spirituel qui écarte les esprits, protègent ses villageois. Des palanquées de statues sont dressées pendant les mille ans de cet ordre qui tutoie le barbare. Sacrifices d'enfant, droit du roi sur les femmes, peut être même des rites cannibales. Un jour, le peuple excédé se soulève, fait tomber les chefs et avec eux les Moaïs de leurs ainés. Guerre civile qui ravage l'île, les géants de pierre sont tous renversés. Un nouvel ordre social apparaît. Une course pour dénicher un œuf sert alors chaque année à se choisir un nouveau roi. Le rite de l'Homme Oiseau. Cette course perdurera jusqu'en 1867. Quoi qu'il en soit, même au sol, les géants de pierre sont toujours là. Quelques uns ont été redressés ces dernières années. De dos à l'océan, leur aura retrouve leur éclat. Statues minérales à l'intemporalité magnétique. Ces silhouettes hypnotiques se rient bien de toi.

Je jubile à te voir figé par quelques milliards d'étoiles qui brillent et ces traces des hommes passés. Tu files, tu te débines, tu nous abimes, mais maintenant je sais où regarder pour te voir, sale temps, immobile.

 

Publié dans Chili

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B
<br /> Désolé j'ai pas tout lu parce que je suis avec Hristo et qu'on a déjà bien picolé en regardant le film d'Avoriaz....Aucun doute, apres vu et revu mainte fois la vidéo, t'es comme une merde sur la<br /> glace: aucun sens de la glisse..........mais peut etre es tu meilleurs dans d'autres styles de glisse!<br /> On t'attend de pieds fermes avec une larme de Cognac 50 ans d'age, tu verras ça glisse tout seul!<br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Effectivement, je pense qu'une consomation alccoolique non raisonnée est à l'origine de cette évaluation erronnée de mes compétences en matière de glisse. Parce que si vous aviez analysé les<br /> vidéos dans un état sobre, tu te serais rendu compte que la neige n'était pas de glace comme tu l'écris mais une formidable poudreuse. De mémoire même, il semble me souvenir que Hristo avait<br /> qualifié cette journnée de "journée de la décennie au niveau poudre". Et je rappellerais à ton partenaire de boisson que, jusqu'à mon retour et notre prochaine course en descente, je reste et<br /> demeurre le premier suite à la déculotée qu'il a prise lors de notre dernière confrontation sur la piste du Tourmalet (environ 15 mètres sur la ligne d'arrivée, j'ai les noms de témoins<br /> impartiaux qui peuvent en témoigner si besoin est).<br /> <br /> <br /> Les faits rétablis, je serais ravi de partager avec vous un Cognac à mon retour,<br /> <br /> <br /> Meilleures salutations et la bise à Madame,<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Hello! Toujours autant de plaisir à te lire. T'as vraiment du talent. C'est pour quand le livre? On est tous épatés quand on regarde tes photos. T'en auras appris des choses à Hugo!!! Bises de nous<br /> 4. Hugo, Gabin, Rod et Carine<br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Hey bien le bonjour les Ayguemortiens,<br /> <br /> <br /> Merci pour l'appréciation. Content que Hugo en ait aussi profité. Comme ça, on sera au moins deux à avoir beaucoup appris.<br /> <br /> <br /> La bise à vos tous, à bientôt, qui sait peut être pour un autre turbot (wouah quel souvenir),<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> Je rentre de vacances et je renoue avec le blog . Tout d'abord merci pour l'invitation à la fête; je me fais un plaisir d'y participer; ensuite, pêle- mêle des impressions :le style a évolué à<br /> l'image du continent fort et ample, avec des points mystiques ( Misti mystique mythe), Machu Pichu ...la croix du sud ,les mohaîs ...<br /> Avez vous fait des rencontres autochtones ? ou êtes vous dans une autre recherche? attendons la Patagonie.<br /> Amicalement<br /> Hélène<br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> J'espère que vos vacances se sont bien passées. Intéressant votre perception d'un changement de style quant à l'écriture. Je n'en ai pas du tout conscience. Faut dire que je ne réfléchis pas trop<br /> à comment j'écris. Ce ne sont que des ressentis que j'espère spontanés. Côté rencontres, paradoxalement, même si nos cultures sont proches et le barrage de la langue (presque) tombé, mes échanges<br /> ou rencontres sont moins marquantes qu'en Asie. Peut être un changement dans mes attitudes et aussi une moindre chaleur ou hospitalité. Mais ce qui est sûr c'est qu'ici je me régale côté nature.<br /> <br /> <br /> Amicalement, nous nous verrons donc le 11,<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Patrick Bruel n'a pas de résidence secondaire en Patagonie ? Et Abba ? Non ? Dommage ! Alors, va pour Florent. Et surtout, Thomas, ne perd pas ta "liberté de pensée" là-bas ! (pas sûr que tu<br /> comprennes le jeu de mot, vu que côté "musique de qualité", t'es un peu en reste !).<br /> <br /> Bises et bonne route.<br /> <br /> G.<br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Prenez mon lit, les disques d'or, ma bonne humeur<br /> Les petites cuillères, tout ce qu'à vos yeux a de la valeur<br /> Et dont je n'ai plus rien à faire, quitte à tout prendre n'oubliez pas<br /> Le shit planqué sous l'étagère<br /> Tout ce qui est beau et compte pour moi<br /> J' préfère que ça parte à l'Abbé Pierre<br /> J' peux donner mon corps à la science<br /> S' il y'a quelque chose à prélever<br /> Et que ça vous donne bonne conscience, mais vous n'aurez pas<br /> Ma liberté de penser<br /> <br /> <br /> Si je croise, je lui claque une bise de votre part.<br /> <br /> <br /> Par contre, pour Abba, faut pas déconner, y a des limites à tout.<br /> <br /> <br /> Hasta luego<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> En parlant de musique de "qualité", vu que tu vas en Patagonie, la bise à Florent Pagny de ma part.<br /> G<br /> <br /> <br />
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